La température au delà des normales de saison cette année – Crédit photo Élizabeth Menard

Le sport ne peut plus ignorer le changement climatique. L’été 2025 restera comme un tournant pour le sport au Canada. Entre les vagues de chaleur historiques et les feux de forêts, les événements et la pratique sportive ont beaucoup souffert.
Pour la première fois, des matchs professionnels ont été reportés à cause du smog, et de nombreuses compétitions locales annulées face à un indice de qualité de l’air devenu dangereux pour la santé. La chaleur extrême et la fumée ne sont plus des imprévus : elles font désormais partie de l’équation sportive.

Alors, sommes-nous entrés dans l’ »ère du feu » avec des jours sans sport ?

Un été sous tension climatique

Des records de chaleur ont été battus à plusieurs endroits au Canada, comme à Pemberton, Saguenay, Linton et Montréal, atteignant des températures de plus de 35°C et des humidex élevés jusqu’à 45°C.
On a largement dépassé les normales de saison de +1°C voire +3°C à Terre-Neuve.
Mais surtout la canicule subit au Québec, où on a enregistré plus de 15 journées à plus de 30 degrés celcius cet été, dépassant de loin les moyennes de saison.

“Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale.”
Djordje Romanic, professeur à l’Université McGill

À cela s’ajoute les feux de forêts, où on bat encore des records. Au printemps 2025, des incendies massifs dans les Prairies (Manitoba, Saskatchewan) ont brûlé plus de 200 000 ha, soit environ trois fois la moyenne annuelle.
Des conséquences graves qui s’étendent jusqu’au bout du pays. Les villes comme Toronto et Montréal ont enregistré l’une des pires qualités de l’air au monde, parfois classées respectivement 2ᵉ et 3ᵉ pires au monde selon IQAir, en 2025.

Le temps a été plus sec, et les températures bien plus chaudes qu’à l’habitude, causant des dérèglements dans les habitudes des athlètes et pour les événements sportifs.

L’air brumeux et l’odeur de fumée provenant des feux de forêt en Ontario et au Québec sont visibles au-dessus de la ligne d’horizon de Toronto. — CITYNEWS

La chaleur : un obstacle invisible mais brutal

La première fois que j’ai pris conscience de la gravité des coups de chaleur, c’était en lisant le livre Warming Up, How Climat change is changing sport  de Madeleine Orr Ph.D. Elle rappelle que trop d’entraîneurs, encore aujourd’hui, négligent les signaux d’alerte, entraînant le décès de nombreux jeunes athlètes. Certains ont même été poursuivis pour non-assistance à personne en danger, après avoir exposé leurs athlètes à des températures extrêmes lors d’efforts intensifs, à l’extérieur.

Une “nouvelle norme” pour les athlètes

Lors d’une entrevue avec Sport+Eco, la volleyeuse canadienne et olympienne Melissa Humana-Paredes se souvenait de son expérience aux Jeux de Tokyo 2021.

« La chaleur extrême est devenue une nouvelle norme » – Melissa Humana-Paredes

Un constat qui s’accentue alors que les vagues de chaleur s’allongent et se multiplient. 

In Tokyo, it was so hot and humid. There were temperature checks at all our sports courts — 45 degrees Celsius with humidity. We were taking selfies saying “wooow look at how hot it is” and it didn’t dawn on me until I realized: “Why is this ok? How are we allowing this to happen?” We saw sports changing venues or times because it was too hot. For the marathon, they had to change location. For the women’s soccer gold medal match, they changed the time from day to night. These are things we never heard of before.”

Lire article – Melissa Humana-Paredes – https://sportpluseco.com/2025/08/18/beach-pro-tour-whenever-we-start-saying-it-is-unusual-it-is-going-to-become-the-norm-melissa-humana-paredes/

Melissa Humana-Paredes lors d’une compétition de volleyball de plage à Montréal

Les risques combinés : au-delà du thermomètre

Évaluer seulement la température n’est plus suffisant. Le WBGT (Wet Bulb Globe Temperature) prend en compte :

  • La température de l’air
  • L’humidité
  • Le rayonnement solaire
  • La vitesse du vent

Cet indice reflète bien mieux le stress thermique global auquel les athlètes et les spectateurs sont exposés.

Tous ces éléments doivent être pris en compte afin d’éviter les risques graves et physiologiques pour les athlètes, surtout lors de canicule. La sécurité athlètes doit être la priorité.

Selon plusieurs experts, consultés lors du marathon Beneva de Montréal, au-dessus de 28 °C (sans humidex), les événements devraient être annulés ou reportés pour garantir la sécurité des athlètes.

Les conséquences sur la santé et la performance

Une chaleur excessive entraîne :

  • Hyperthermie (hausse dangereuse de la température corporelle) ;
  • Troubles cardio-respiratoires ;
  • Diminution des performances (endurance, concentration, récupération) ;
  • Épuisement et crampes ;
  • Coups de chaleur.

Quand il fait trop chaud, le cœur doit faire plus d’effort (le sang est plus dirigé vers la peau pour dissiper la chaleur), ce qui augmente la charge cardio-vasculaire. Pour les gens avec des maladies cardiaques ou respiratoires, cela peut être dangereux.

Les spectateurs, les bénévoles et les officiels sont aussi vulnérables, surtout lors de longues expositions sans ombre ni hydratation suffisante.

Comment les organisateurs s’adaptent face à la chaleur ?

Pour réduire les risques liés aux vagues de chaleur et protéger athlètes, bénévoles et spectateurs, de plus en plus d’organisateurs d’événements sportifs s’adaptent et mettent en place des mesures préventives ou des plans de contingence. Voici quelques bonnes pratiques réplicables :

  • Les compétitions organisées tôt le matin ou en soirée pour éviter les pics de chaleur ;
  • Les compétitions sont aussi déplacées dans d’autres villes qui ont un air plus frais – en 2021 au Japon le marathon a été déplacé à Saporo ;
  • Certaines fédérations déplacent leurs compétitions vers des saisons ou des mois plus propices à la pratique sportive ;
  • Il est demandé d’apporter sa gourde afin de s’hydrater régulièrement et des stations d’eau gratuites sont mises à disposition gratuitement ;
  • Créer des zones de fraîcheur : zones d’ombre, brumisateurs, tentes de repos et refuges climatisés accessibles aux athlètes et spectateurs ;
  • Suivi en temps réel de la qualité de l’air et de l’indice de chaleur : applications météo, AQHI (Air Quality Health Index), alertes santé transmises aux participants ;
  • Adapter l’intensité des efforts : fractionner les séances, multiplier les pauses, réduire la charge d’entraînement aux heures les plus chaudes ;
  • Boire avant d’avoir soif, s’hydrater souvent pendant l’effort, remplacer les électrolytes perdus par la sueur ;
  • Protocoles médicaux et prévention : formation des coachs et bénévoles pour reconnaître rapidement les signes de coup de chaleur (étourdissements, crampes, confusion, perte de conscience) et intervention rapide avec équipes médicales sur place.

Hôpital de fortune au Marathon Beneva de Montréal

Le climat dérègle nos événements sportifs

En 20 ans, plus de 2 100 rassemblements ont été perturbés par le changement climatique, selon une analyse mondiale, publiée dans l’International Journal of Disaster Risk Reduction.
Le Canada est le plus touché : 39 % des annulations liées aux feux de forêt et à la fumée.

C’est le pire des scénarios, mais les événements sont de plus en plus reportés ou annulés. C’est ce que nous avons constaté cette année avec l’annulation pour la première fois d’un match professionnel. Le 12 juillet 2025, la Première Ligue Canadienne de football (CFL) a reporté le match Stampeders vs Roughriders à cause de la mauvaise qualité de l’air à Regina.

Des compétitions de volley de plage (Beach Volley) lors des Jeux du Canada à St John’s ont été reportées et relocalisées, pour la santé des joueurs et des spectateurs, à cause des feux de forêt et du smog. Les compétitions reportées ont été à huis clos pour éviter d’avoir trop de monde sur place et des mouvements de foule si le feu devait se rapprocher. 

En 2023, au Québec deux événements de grande envergure avaient été annulés à cause des feux intenses en Colombie-Britannique – l’Ironman de Mont Tremblant et les World Triathlon de Montréal.

Les seuils utilisés dans ces circonstances sont de l’AQHI (indice de qualité de l’air) dans les cas d’événements sportifs au Canada.
– AQHI ≥ 7 → annulation jeunesse et amateur.
– AQHI ≥ 8 → report d’événements pros comme la CFL.

Au-delà des événements sportifs annulés et des athlètes professionnels, les conséquences sont aussi importantes pour les camps de jour, clubs amateurs, sport de quartier, mais aussi les familles souvent accompagnatrices et les bénévoles.

Montréal avec le smog

Des jours sans sport : une nouvelle réalité

L’“ère du feu” est un défi immense, mais aussi une opportunité. Les fédérations, les villes, les clubs et les athlètes transforment ces contraintes en innovation, en s’adaptant aux changements climatiques. 

Le sport, miroir de la société : si lui aussi doit s’arrêter, c’est le signe d’une urgence collective. Nous faisons face à des enjeux de santé public et d’inclusivité dans l’accès à tous à des installations propices à l’activité physique en toute sécurité. 

Sommes-nous prêts à vivre des étés sans sport ? Qu’est-ce qu’il en est des hivers? 

3 réponses à « L’ère du feu : le sport a le souffle coupé »

  1. Super article ! J’ai trouvé ça clair, bien expliqué et surtout très parlant. J’aime que ça mette en avant les vrais impacts du climat sur le sport tout en donnant de bonnes pratiques concrètes. Bravo pour ce boulot !

    J’aime

  2. […] Lire article – L’ère du feu : le sport a le souffle coupé – Sport+Eco […]

    J’aime

  3. […] Lire article : L’ère du feu : le sport a le souffle coupé – Sport+Eco […]

    J’aime

Laisser un commentaire

Tendances